L’Etat profond français est en furie comme jamais. Par le biais de sa télé d’état, en l’occurrence LCP Public Sénat, il proposait la semaine passée, en début de soirée, une émission politique gaillardement intitulée Trump, le retour en marche vers la dictature. Un titre sans point d’interrogation s’il vous plait ! Ils sont si déchainés qu’ils ne s’embarrassent plus de précaution langagière. Ainsi donc une télévision publique, payée par nos impôts et censée ne pas être partisane pour ne pas offenser une partie notable de la population, répand sa propagande sans vergogne. Il y a de quoi être outré. Je me demande ce que fait l’Arcom encore une fois. Comme toujours cette officine de censure poursuit les médias qui inquiètent le système et protègent ceux qui lui font des courbettes. La caste voit pertinemment qu’elle est exposée au grand jour et, à défaut de pouvoir éliminer physiquement ses opposants les plus menaçants, elle crache son venin. Trump serait une réincarnation d’Hitler, mais Jean-Noël Barrot avec son faciès de fou furieux qui veut envoyer des soldats français se battre à la fois contre les russes en Ukraine et contre les américains au Groenland serait un doux humaniste, je suppose. Les réactions verbales d’une rare violence de notre nomenklatura témoignent aussi de sa putréfaction. Une putréfaction intellectuelle avant même d’être morale.
Tout ceci me rappelle un passage éloquent du film de James Ivory, les Vestiges du jour. Il met en scène plusieurs personnages de haut rang dans un des salons feutrés du Château de Lord Darlington. Nous sommes à la veille de la guerre 39-45 et le seigneur du domaine, un doux néophyte en matière de diplomatie, tente dans le plus grand secret un rapprochement entre le gouvernement de Neville Chamberlain et Hitler. Lors d’une réunion en petit comité, une de ces puissantes figures dirigeantes, invitées par le comte Darlington, un certain Spencer, politicien hautain et imbu de lui-même, veut convaincre ses interlocuteurs que se préoccuper de l’avis des gens ordinaires est d’autant plus fâcheux que ceux-ci sont des profanes dans les affaires du monde. Selon lui, la politique est bien trop sérieuse pour être confiée au peuple.
- On ne peut pas se tromper, dit l’un des invités, si on écoute l’opinion de l’homme de la rue. Il est parfaitement capable d’émettre une opinion sensée sur la politique.
- Il n’a aucune des qualifications requises pour ça, lui rétorque Spencer.
- Mais bien sûr que si. Je vous assure que si, revient à la charge le premier.
- Stevens, dit le comte en interpelant son majordome, monsieur Spencer souhaiterait vous parler.
- Monsieur, dit le majordome en se tournant dans sa direction.
- Mon ami, j’ai une petite question pour vous. A votre avis, est-ce que l’état de la dette à l’égard de l’Amérique est un facteur significatif des faiblesses de nos exportations ou croyez-vous que ce soit une fausse piste et que l’abandon de l’étalon-or soit en fait au cœur du problème ?
- A mon grand regret, monsieur, je ne pourrais vous porter secours sur ce point.
- Oh, que c’est dommage ! Eh bien peut-être pourrez-vous nous aider sur autre alors. Estimez-vous que la situation monétaire, qui pose un gros problème à l’Europe, ne pourrait pas être améliorée par un accord militaire passé entre français et bolcheviks ?
- A mon grand regret, monsieur, je ne puis vous porter secours sur ce point-ci.
- Bon très bien, Stevens. Je vous remercie, coupe le comte qui souhaite en finir.
- Oh permettez-moi, Darlington, j’aurais encore une question à soumettre à notre brave homme, insiste Spencer. Mon bon Stevens, serez-vous comme nous d’avis que monsieur Daladier, lors d’un récent discours sur la situation en Afrique du Nord, a simplement rusé afin de saborder la frange nationaliste de son propre parti ?
- A mon grand regret, monsieur, je ne pourrais vous porter secours sur aucun de ces points.
- Vous voyez messieurs, dit Spencer en se retournant vers la petite société de nantis, le bougre ne peut nous porter secours sur aucun de ces points. Toutefois, nous continuons à penser que les décisions concernant la nation peuvent être confiées à ce brave homme et à des millions de ses semblables. Autant demander à l’union des mères de famille de prêcher pour la guerre.
- Merci Stevens, lâche le comte en le congédiant.
- Merci monsieur le comte, merci monsieur.
- Bravo, vous avez été parfaitement irréfutable, Spencer, conclue l’un de ses interlocuteurs.
- CQFD, lance Spencer, triomphant, avant de se remettre à siroter son verre de fine.
Toute l’arrogance de la caste tient dans cet échange. Un dialogue qui dépeint dans une démocratie d’avant-guerre une aristocratie au pouvoir, qui se passerait bien de l’avis du peuple tout en se moquant de lui, en le ridiculisant et en fin de compte en le méprisant. Le plus terrible est que notre caste actuelle est exactement sur la même ligne. Au diapason de son ancêtre. De plus, elle est déjà passée à l’acte en annulant le vote du peuple en 2005. Et encore dernièrement en confiant les clés du pouvoir à Barnier puis Bayrou, en dépit du résultat contraire des urnes. Elle nous jette à la face un vous n’y connaissez rien, vous n’êtes pas qualifiés pour décider, on fera comme bon nous semble... A travers les âges, demeurent inchangées la suffisance des élites et leur soif inextinguible de pouvoir. Sauf qu’aujourd’hui il existe dans la population bien plus d’hommes instruits de ce qui se passe qu’à n’importe quelle autre époque. Et dans cette guerre des classes, il n’est pas sûr que la nôtre n’ait pas enfin le dessus grâce à la prise de conscience qui gagne du terrain et les lignes de faille qui disloquent les opinions occidentales.
Nomenklatura, Etat profond, Caste, Complexe militaro-industriel, Elite de pouvoir, qu’importe l’expression, et qu’importe si ce sont des variantes spécifiques à l’un ou l’autre des régimes totalitaires. Chaque fois, on a affaire à une classe qui s’accapare les leviers du pouvoir, tantôt pour le compte du communisme, tantôt pour celui du mondialisme… Et bientôt pour celui de l’Islam, comme vont les choses.¾
Photo d’illustration : © Pete Linforth de Pixabay