La conduite par temps de brouillard

Le 24/10/2023

Dans Actualités

Beaucoup sont perdus devant les signaux contradictoires qui fusent de tous côtés. Ainsi, nous rapporte un diffuseur d’infos sur Telegram, « MSNBC va à l’encontre du narratif du Deep State sur le conflit israélo-palestinien. Tout comme LCI en France qui va à l’encontre du narratif sur l’Ukraine et la marionnette Greta Thunberg à l’encontre du narratif sur la Palestine. » Et il conclut : « Quelque chose se passe » sans être d’ailleurs plus explicite. Le lendemain, notre exégète poursuit sa quête de sens, interloqué par une déclaration d’Attali sur Europe 1, pour qui Netanyahu est l’un des pires ennemis de la survie d’Israël.

Il semble que tous les repères soient brouillés pour ceux qui se font une idée tranchée des choses. C’est là où la complexité du réel rattrape ceux pour qui il n’y a sur cette terre que des blanches colombes et des noirs corbeaux. Ceux pour qui il n’y a face à face qu’un occident pourri jusqu’à la moelle et des BRICS angéliques. Qu’ils en soient convaincus, le manichéisme est inopérant à ce stade.

Les vérités historiques dérangent tout le monde, que ce soit ceux qui veulent les ignorer car ils savent avoir profité de ce qu’on les ait tues ou que ce soit ceux qui tombent réellement des nues en apprenant ces vérités. Alors oui, depuis 2020, tant de vérités sortent à nos dépends qu’elles ébranlent nos certitudes et, selon notre aptitude à nous remettre en question, elles nous ballottent d’un camp à l’autre. On ne parle pas de guerre psychologique pour rien. Chacun y perd tôt ou tard son latin. Les acteurs de cette guerre peuvent faire volte-face de prime abord, nous ne devons pas cesser pour autant de rechercher du sens dans ce qui arrive.

Qu’il y ait du noir dans le blanc, du blanc dans le noir ne date pas d’hier. Le dernier hors-série de Valeurs actuelles consacré « aux derniers secrets des dictateurs »  va nous en offrir un bel exemple. On y apprend à quel point Hitler a inventé, on peut le dire, l’écologisme avec un siècle d’avance. Lui et les nazis, de Goering à Himmler, furent de farouches défenseurs de la nature et des animaux. Entre 1933 et 1941, Ils promulguèrent une trentaine de lois et décrets de défense de l’environnement. Même après la guerre, « l’Allemagne fédérale ne changera pratiquement rien à la législation environnementale de Goering ». Nos verts ont toujours vu dans les verts allemands de grands frères. Mais ces grands frères ne furent que les héritiers des lois nazies. « Les antispécistes d’aujourd’hui pourraient applaudir à deux mains » leur programme, nous dit l’écrivain et journaliste Philippe Simonnot, et je dirais, plus généralement, que les écologistes rêveraient d’un tel bilan. Seulement ils ne le diront jamais à moins de reconnaître des racines idéologiques communes avec ces eugénistes de nazis. Ce qui est trop leur demander. La reconnaissance d’une consanguinité serait un affront. Ils sont devant ces faits les victimes d’une dissonance insupportable à devoir concilier leur haine de l’extrême-droite et le fait que les nazis furent les premiers à avoir poussé aussi loin des mesures inspirées de leur propre idéal. Etre les héritiers d’Hitler, ne serait-ce qu’en cet unique domaine, leur paraitrait inconcevable. Et pourtant… ! On se rend compte qu’ils ont choisi de piétiner la vérité historique plutôt que de se confronter à ce père idéologique infréquentable. Car pendant que lui et ses affidés bichonnaient biches et faisans, ils réduisaient en cendres certains de leurs semblables qu’ils ne jugeaient même pas dignes d’être des animaux ! Au moins dans les mots, que font d’autre nos écolos, toujours prêts à se ranger derrière le mondialisme, en mettant au ban de la société leurs ennemis politiques, en ne leur reconnaissant pas le droit à la parole publique, en cherchant à les invisibiliser par la censure ? Dans leur cas, on peut hélas faire le même terrible constat que celui que faisait Luc Ferry dans le Nouvel Ordre Ecologique au sujet des nazis, à savoir le fait que chez eux « la haine la plus acharnée des hommes ait pu coexister avec l’amour le plus pur du règne animal ». Comme toute la gauche, en 2021, ils ont excommunié leurs concitoyens « antivax » sans le moindre remords. Ce ne fut en rien, pour eux, un cas de conscience. En parallèle, ils se réjouirent de voir les animaux reconquérir du terrain sur l’homme pendant les confinements.

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Le Grand Mufti de Jérusalem et Hitler à Berlin en novembre 1941 (Bayerische Staatsbibliothek München)

Autrement, en matière de politique étrangère, tous ceux qui, de l’extrême-gauche aux patriotes, s’enfièvrent exclusivement pour la Palestine, tandis que l’Arménie subit au même moment le joug azéri dans le plus grand silence, doivent connaître les connivences entre le nazisme et l’islamisme palestinien, ne leur en déplaise. Et s’il y a des islamo-gauchistes, l’islamo-droitisme existe aussi, comme dirait Pierre-André Taguieff. Ce sera, j’en suis sûr, une dissonance cognitive pour eux. Alors venons-en au rapprochement historique entre le nazisme et l’islamisme. Pour commencer, que l’on rappelle qu’Hitler a créé en 1943 une division SS composée quasi exclusivement de musulmans bosniaques, la division Handschar. Ses membres furent encadrés par des imams et des mollahs. Hitler veilla à ce que ces hommes puissent exercer leurs pratiques religieuses sans empêchement. La division Handschar, précise Arnaud Folch, était une « sorte de Waffen-SS locale chargée de la lutte contre les juifs et les communistes ». Si Hitler et Himmler furent d’ardents pro-musulmans, la création de cette division SS en atteste, une partie substantielle du monde musulman le leur a bien rendu, notamment en faisant de Mein Kampf un best-seller en Orient. On aurait pu penser que la politique racialiste des nazis ait mis les musulmans dans le même sac que les juifs et les tziganes. Il n’en a rien été. Ce qui a lié les uns et les autres fut sans conteste un vieux fond antisémite commun. La proximité du Grand Mufti de Jérusalem, Al-Husseini, avec Hitler a soigneusement été occultée pendant longtemps. En outre, comme le souligne Arnaud Folch, pour de nombreux historiens, le Grand Mufti adhérait à la politique d’extermination des juifs. Il déclarait en novembre 43 : « Les musulmans devraient suivre l’exemple des allemands, qui ont trouvé une solution définitive au problème juif ». Si ce n’est pas clair ! Sachez encore que, si les soldats de la division Handschar furent entraînés en France, après la guerre le Grand Mufti trouva refuge dans notre beau pays qui lui permit, alors qu’il était recherché par les yougoslaves et les anglais pour collaboration et comme criminel de guerre, de s’enfuir en toute tranquillité vers le Liban, où il finit ses jours sans être le moins du monde inquiété. Alors, comment concilier une aversion du nazisme et un tropisme islamique ? Encore des non-sens qui handicapent les tentatives d’y voir clair.

Je me tourne maintenant vers ceux qui restent fidèles à la gauche, confits dans leurs certitudes et aveugles à ses contradictions. Ceux-là refusent qu’on les traite d’antisémites parce qu’ils soutiennent l’islamisme malgré ses accointances avec l’extrême-droite germanique. Pourtant ces personnes doivent admettre que la gauche n’a pas rejeté les juifs du jour au lendemain. Les racines de cet antisémitisme remontent au moins au stalinisme. Néanmoins, pour travestir cet antisémitisme de mauvais aloi, les progressistes disent vouloir s’en prendre aux « sionistes » et non aux juifs. En fait, c’est un interdit de dire vouloir s’en prendre aux juifs, mais pas un interdit de le faire. Etre antisémite relève de l’hérésie dans le discours mais pas dans les actes. Voilà toute l’hypocrisie. Un réquisitoire lapidaire est dressé là encore par Arnaud Folch dans Valeurs Actuelles : « Occultée par l’histoire officielle, la politique antisémite de Staline après la guerre est pourtant avérée. Complot des blouses blanches, procès de Prague, projet de déportation des juifs… » Roy Medvedev, historien dissident, écrit : « Staline jeta son masque idéologique et fit ouvertement de l’antisémitisme une partie intégrante de sa politique ». A tel point que Vladimir Komarov, membre du Ministère de la Sécurité d’Etat, victime d’une purge en 1953, écrira à Staline pour réclamer sa libération en faisant valoir son antisémitisme ! Tout cela est confirmé dès 53 dans les colonnes du New York Times, qui parle d’un retour de la folie nazie. « Empruntant une fois encore aux méthodes hitlériennes, le régime de Staline a désormais adopté ouvertement et sans conteste l’antisémitisme comme arme contre ses propres dissensions internes. » Et de fait un plan de déportation des juifs était en préparation au Kremlin. S’offusquant d’être rabaissés au rang de nazis, les communistes nièrent ni plus ni moins les faits historiques. Mais la vérité sortit sous la plume de Soljenitsyne dans l’Archipel du goulag : « Il semblait que Staline se préparait alors à organiser un grand massacre des juifs. » In extremis, ces derniers ne durent leur salut qu’à la mort du dictateur révéré jusque-là par la gauche occidentale.

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Caricature (RFA, 1953)

Revenons maintenant sur ce que notre diffuseur a trouvé de singulier dans l’actualité, par exemple le discours de MNSBC qui irait à l’encontre de ce qu’il attendait d’un média globaliste. Ce qu’il oublie c’est que la plupart des médias acquis au globalisme ont tendance à virer à gauche. Et la gauche a depuis longtemps déserté tout soutien à Israël. Elle joue la carte panarabe, voire islamiste. Aussi n’en suis-je pas étonné. Moi qui ai quelques années de plus que lui et qui suis les nouvelles du Proche-Orient depuis longtemps, je l’ai constaté avant même les années 2000. Il y a plus de vingt ans, les fake news étaient déjà légion, qui donnaient du grain à moudre à cette gauche antisioniste. Mais il n’était pas rare de découvrir en vidéo des morts transportés sur des brancards au moment où ils ressuscitaient devant un danger imminent, des ambulances véhiculer des hommes en arme, des hôpitaux qui auraient été visés par des bombes mais qui demeuraient intacts, des bilans humains qui s’élevaient à plusieurs centaines sur la seule foi de déclarations partiales et discutables…

Beau spécimen de la rhétorique pacifiste du Hamas, l'islamisme à la mode palestinienne

Qu’ensuite la petite Greta soit devenue palestinolâtre ne me surprend pas outre mesure. En bonne écolo qui se respecte, elle emboîte le pas à sa mouvance. L’écologie occidentale est en effet entre les mains de la gauche la plus extrême, qui a perdu tout repère autre qu’idéologique. Et cette écologie a choisi son camp, il y a belle lurette. De plus, cette enfant-femme ne cesse d’aller à la dérive, entre des parrains globalistes climatolâtres et des parents d’extrême-gauche. Là encore, rien qui ne doive nous étonner.

Quant à Attali, sa position initiale nettement à gauche ressort à cette occasion. Pour lui, Netanyahu reste un homme de droite. Le Likoud, que dirige le premier ministre israélien, lui est probablement aussi éloigné que le RN en France. Même entre globalistes, des marqueurs aussi prégnants peuvent exacerber les divisions internes. Là encore, ce qui pourrait apparaitre comme un rebondissement n’en est pas un, si l’on considère la complexité des choses et que l’on ne s’inscrit pas dans une dichotomie simpliste. Par ailleurs, certains globalistes ne sont peut-être pas sur une ligne de fuite en avant et, voyant la situation leur échapper, préfèrent jouer l’apaisement. Une fois encore le mondialisme n’est pas monolithique.

Néanmoins, si la confusion règne, si la perte de sens atteint son paroxysme, c’est bien que nous sommes dans un moment décisif de cette guerre psychologique. On veut que nous en perdions tout bon sens, que nous abandonnions toute réflexion, de guerre lasse. Le brouillard de la désinformation officielle et des paradoxes des uns et des autres, les aberrations qui se succèdent, tout cela se dissipera au fur et à mesure que des connaissances, qu’il nous manque encore, auront fait surface. Et la traitrise de certains n’est pas à exclure non plus. C’est à ça aussi que serviront les historiens du futur, à nous éclairer sur les complexités du temps. Il faut savoir en faire abstraction à cette heure, mettre en veilleuse nos jugements sur certains acteurs de cette guerre et aller de l’avant. Nos incompréhensions trouveront bien des réponses, un de ces jours. En attendant, notre conduite n’aura qu’à s’orienter sur la boussole de nos valeurs élémentaires et suivre celle des hommes de bonne volonté.¾

 

Photo d'illustration : Le Grand Mufti de Jérusalem passant en revue les volontaires bosniaques de la Waffen-SS © o.Ang./ Bundesarchiv

 

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