La peste à petits pas

Le 12/05/2023

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Depuis son recul contraint et forcé sur le covid et après son coup de force de la réforme des retraites avec ses répercussions incendiaires, le gouvernement essaie par tous les moyens de récupérer du terrain. Peu à peu, par petites touches, il réinvestit le champ politique, distrayant à l’occasion le téléspectateur au moyen de questions sans importance. On en voit les effets dans la vie de tous les jours. Certains le vivent non sans amertume, comme ce manifestant du premier mai maintenu en détention provisoire à la grande stupéfaction des avocats et du public en salle d’audience, puisque aucun motif ne lui a été spécifié en l’occurrence.

Nous connaissons tous ce vers devenu figure de style : «  Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Jean de la Fontaine en est l’auteur. Il est tiré de la fable Les animaux malades de la peste. Il en constitue même la morale. Si notre manifestant fait partie incontestablement des misérables et vient de subir l’arbitraire, il est une dame au contraire qui se joue des jugements de cour. Car elle fait elle-même partie de la cour du pouvoir. Il s’agit de d’Agnès Buzyn. L’ex-ministre de la Santé qui a particulièrement brillé en préparant le terrain de l’opération covid par son interdiction de l’hydroxychloroquine, sauf pour ses besoins, s’est vue dans un premier temps mise en examen  pour mise en danger de la vie d’autrui. Mais la Cour de cassation a annulé son inculpation en début d’année. Cependant Buzyn reste convoquée par trois juges de la Cour de Justice de la République, qui enquêtent sur sa gestion du covid. Et quelle attitude a-t-elle ? Ce chameau de Buzyn refuse de se rendre à leur convocation. Il ne s’agirait pas de mélanger les torchons et les serviettes. La Justice ne vaut que pour les premiers. Faisant partie des serviettes, madame ne se sent pas concernée par les injonctions des juges qu’elle défie ostensiblement. Pensez-vous que ces juges useront de leurs moyens de coercition envers elle ? Il est fort à parier que non. Elle bénéficiera d’un nouveau traitement de faveur qui, comme le dit Eric Verhaeghe, révulsera « le citoyen ordinaire, vis-à-vis de qui beaucoup moins d’égards sont pris. Par son parcours, l’ancienne ministre de la Santé illustre bien les privilèges que la caste s’est attribuée depuis 2017. » Et même avant.

Et quand les puissants ne peuvent pas se soustraire aux foudres de la justice, comme Anne-Christine Lang, cette macroniste condamnée pour détournements de fonds publics, ils se voient octroyer des privilèges. L’ancienne députée a demandé et obtenu du Tribunal que sa condamnation (60 000 euros et trois ans d’inéligibilité) ne soit pas inscrite à son casier judiciaire pour éviter tout ennui avec son administration. Quelle belle magnanimité a eu la justice !

La Justice le fut moins avec ce père de famille qui a retenu avant l’arrivée de la police, et sans le blesser, un cambrioleur venu… le cambrioler. Ce dernier comme de bien entendu a porté plainte. Pourquoi se gêner ? Si on ne peut plus cambrioler en toute sérénité ! Notre sympathique monte-en-l’air a écopé de six mois avec sursis quand sa victime en a pris pour deux ans (avec sursis) et obligation de soins ! Sa faute ? Avoir séquestré durant un quart d’heure son voleur ! Vous voyez, il est des cas où la Justice prend à rebours le vers de La Fontaine. Selon que vous serez honnête ou misérable, les jugements de cour vous rendront noir ou blanc. Mais en tous les cas, elle punit davantage l’honorable citoyen moyen.

Avec ce genre de sentences, la Justice ne perd pas la tête. Elle ne fait qu’obéir. Ses jugements cul par-dessus tête ne sont que le reflet de la politique inspirée par la caste. Et qu’au passage bien des juges partagent les avis dégénérés de leurs supérieurs, cela ne fait pas l’ombre d’un doute.

Rene chiche

Le professeur de philosophie René Chiche

 

Dans l’Education Nationale, on a assisté récemment à une attaque similaire contre la démocratie et le bon fonctionnement de la chose publique. Deux agrégés de philosophie, pour avoir exprimé leur désaccord avec la politique du gouvernement, ont été suspendus. Il s’agit de René Chiche et de Franklin Nyamsi. Ce dernier a même été mis en garde à vue à cause de ses positions anti-gouvernementales. Quant à René Chiche, agrégé de philosophie, auteur de La désinstruction nationale et membre du Conseil Supérieur de l’Education, sa sanction a été de trois mois de suspension. Dans les deux cas, l’acharnement du pouvoir s’est exercé sans faillir aussi bien que de manière illégitime. Précisons bien que le professeur de philo n’a pas tenu un cours prosélyte qui pourrait justifier un tel harcèlement. Non. Il a, comme tout bon citoyen en démocratie, fait valoir son droit à la critique et à l’exercice de sa liberté d’expression. Mais, n’en déplaise à tous les aveugles heureux de l’être, nous ne sommes plus en démocratie et c’est ce qui autorise le gouvernement à poursuivre de sa vindicte un modeste professeur.

Oui, c’est une atteinte gravissime contre laquelle l’ensemble des professeurs aurait dû s’insurger. Mais peut-être son profil de vice-président du syndicat Action et Démocratie ne sied-il pas à ses collègues ? Pas assez dans la mouvance traditionnelle de gauche. Jadis toujours prompts à s’indigner à la moindre injustice, les professeurs ont tout perdu de leur superbe. Ni ils ne s’offusquent de cette mesure inique contre leur collègue, ni ils ne dénoncent les responsables comme Aurore Bergé à l’origine de cette sanction et les exécutants comme ce DRH de l’Education Nationale qui a signé la mise à pied de René Chiche. La lamentable prostration des enseignants n’a d’égale que celle des politiques dans cette affaire. N’a-t-on pas entendu le préfet Nunez se dire favorable à un encadrement administratif du droit de manifester, dans l’indifférence de la classe politique ? Florian Philippot a été un des rares à le signaler, on semble s’habituer « depuis plusieurs mois [à] l’interdiction de plus en plus systématique des manifestations via mille prétextes. Si on est attaché à la liberté normalement constitutionnelle de manifester et si on refuse l’arbitraire, c’est une dérive totalitaire très grave. » Mais il semble que beaucoup ne soient plus attachés à cette liberté. Une telle négligence chez eux montre à quel point le pays est mûr pour le fascisme. Bien sûr celui des prétendus antifascistes qui tirent les ficelles !

La peste, qui a fermenté pendant plusieurs décennies, s’est répandue dans le pays depuis 2017. De cette épidémie il n’est pas fait mention dans les journaux. Et pour cause. Mais aujourd’hui elle atteint villes et campagnes. Elle nous affecte tous, tant les porteurs du bacille totalitaire infectent le pays. Relisez Camus si vous voulez saisir la gravité de ce qui arrive. Il est donc temps, de notre côté, de prendre des mesures prophylactiques et d’isoler à leur tour ces propagateurs du mal ! ¾

 

Photo d'illustration : Les animaux malades de la peste, gravure de Gustave Doré

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