En 2025, quand les amateurs d’énigmes archéologiques veulent visionner des documentaires sur l’Egypte pharaonique, ils ont le choix, aussi bien à la télévision que sur Youtube. Cependant, dans les mainstream, les sujets sont affligeants. On passera plus de temps à ergoter sur une fibule ayant appartenu ou pas à Toutankhamon que de comprendre comment et par qui ont été bâties les pyramides du plateau de Gizeh. On préfèrera discourir sur l’éventualité que le buste de Néfertiti, exposé à Berlin, soit une copie plutôt que d’essayer de percer les secrets du Grand Sphinx. Pourtant les cicatrices bien visibles sur ses flancs indiquent qu’il a subi une érosion semblable à celle que des eaux de pluie répétées occasionnent à long terme. Et c’est précisément en cela que ces stigmates dérangent, comme on va s’en apercevoir plus loin.
Lorsque je me suis rendu en Egypte, en novembre 2018, comme n’importe quel touriste, j’ai visité le site des pyramides attribuées à Khéops, Khephren et Mykérinos. J’étais accompagné d’un guide, un copte vivant au Caire. Nous y avions passé presque toute une matinée, quand le guide nous emmena visiter le Temple de la Vallée. Il était intarissable sur la religion des anciens égyptiens et sur leur panthéon de divinités. Mais le groupe sous sa coupe, qu’il appelait aimablement la famille royale, était saturé de ses explications. Aucune ne concernait pourtant l’étrangeté du lieu, un « temple » aux murs cyclopéens. Pas une fois il n’attira notre attention sur l’énormité des blocs qui composaient les parois de cet édifice et sur leur élaboration. Et personne ne posa la moindre question. Las de cette situation, je l’interpelai afin de savoir s’il nous resterait du temps pour aller admirer le Sphinx. Car enfin je ne m’imaginais pas quitter les lieux sans avoir vu la merveille des merveilles. Je lui rappelai que l’intitulé du voyage était tout de même Sourires du Sphinx ! Il était temps d’aller le voir, insistai-je, avant qu’il ne soit trop tard ! Contrarié par mon intervention, il nous lâcha sur le site sans un mot à propos de la colossale statue, nous donnant seulement rendez-vous dans le bus.
L’origine du Sphinx a vraiment de quoi intriguer. N’étant pas spécialiste, je n’entrerai pas dans les détails. Mais ses marques d’érosion, selon les géologues qui l’ont étudié, témoignent d’une époque bien antérieure aux 2500 ans avant JC, date que l’historiographie officielle attribue à sa création. En effet, l’époque où le plateau de Gizeh aurait pu subir de tels épisodes pluvieux remonte environ à 10 000 ans avant JC, une ère qu’on appelle le Dryas récent. De toute évidence, remettre en question le récit universitaire qui veut que l’ensemble pyramides plus sphinx date du milieu du troisième millénaire avant JC est sacrilège pour les égyptologues. Ces derniers n’ont que faire de l’avis des géologues, ni d’ailleurs de l’opinion de n’importe quel autre spécialiste avec lequel ils pourraient croiser leurs données. Ces égyptologues du sérail travaillent en vase clos et n’ont surtout besoin d’aucun avis d’expert en dehors de leur domaine. Leur objectif principal semble se limiter à garder jalousement les clés du discours sur l’ancienne Egypte. Et peu importe ses invraisemblances. Il est probable que mon guide n’avait jamais entendu parler de ces remises en question ou alors qu’il voulait les ignorer.
Un autre égyptien, Zahi Hawass, a su se rendre incontournable jadis, tant sur le site cairote que sur nos écrans de télévision. Combien de documentaires l’ont mis en scène avec son fameux chapeau de cow-boy ! Il faisait partie du folklore. Mais Zahi Hawass a été aussi un des gardiens du temple qui ont eu la mainmise pour forger le discours officiel. Aussi a-t-il tout fait pour démolir les alternatives à ce discours. Il veillait à l’orthodoxie jalousement. Ayant été longtemps à la tête du Conseil des Antiquités égyptiennes, il s’est montré intransigeant. Ses obstructions sont devenues légendaires, notamment à l’encontre de certaines demandes d’investigations prometteuses et, qui plus est, non invasives. On ne peut s’empêcher de penser que leurs conclusions auraient pu briser sa vision académique.