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De l'importance de la parole insoumise

Le 08/04/2024

Dans Actualités

Elle était belle, intelligente. Elle avait du cran et sa conscience pour elle. Elle ne voulait pas laisser la propagande nazie sans opposition. Et elle n’avait que vingt-et-un ans, lorsqu’elle fut arrêtée par la Gestapo, jugée par cette vermine de Freisler, l’âme damnée de la justice nazie, et aussitôt guillotinée, de même que les principaux membres de la Rose Blanche, son réseau de résistance. Elle s’appelait Sophie Scholl.

Bien entendu la Rose Blanche n’aura pas inversé le cours de l’histoire. Elle aura à peine contrarié Berlin. Mais son existence aura permis d’entretenir une petite flamme de liberté dans une époque des plus sombres, en plein cœur de la barbarie.

Les allemandes, entrées en résistance entre 39 et 45, comptent parmi elles une figure historique : Constanze Hallgarten. L’égérie du mouvement pacifiste allemand fut une des premières à être révulsée par l’idéologie rétrograde des hordes nazies. Une autre figure tout aussi mémorable est celle de Libertas Schulze-Boysen, qui participa avec son mari Harro à l’Orchestre Rouge, un réseau assujetti à l’URSS. Au-delà des engagées politiques prédisposées à s’opposer au nazisme, c’est la Nuit de Cristal qui en fera basculer plus d’une dans la résistance. Leurs actes ont d’abord consisté à aider les juifs encore présents en Allemagne et à leur fournir un refuge. Ce fut le cas de Ruth Andreas-Friedrich au sein du groupe Onkle Emil.

Tout comme Libertas, Sophie a commencé par adhérer au nazisme. Elle fit d’ailleurs partie un temps des jeunesses hitlériennes. Mais l’entrée en guerre de son pays la fera vite déchanter et lui dessillera les yeux.

Certains groupes comme le célèbre Orchestre Rouge auront pour tâche d’espionner l’appareil d’Etat nazi. En l’occurrence, pour le compte des Soviets. L’Orchestre Rouge alertera même le Kremlin de l’imminence de l’opération Barbarossa. En vain, à cause de l’obstination coupable de Staline. L’Orchestre Rouge fera beaucoup dans la contrepropagande en diffusant des témoignages de la réalité des atrocités nazies. Quant à Sophie Scholl, une fois entrée en résistance, elle se bornera, si je puis dire, à écrire six tracts, à les imprimer et à les diffuser un peu partout, de Hambourg à Munich en passant par Vienne. Une prouesse indéniable pour une prise de risques non moins grande. Cet engagement qui pourrait paraitre sans grosse conséquence lui aura valu la peine de mort pour faits de « haute trahison, propagande subversive, complicité avec l’ennemi et démoralisation des forces militaires ». Le délai de cent jours entre la sentence et l’exécution n’aura même pas été respecté. Sophie Scholl fut guillotinée la première, dans les heures qui suivirent ce qui restera dans l’histoire comme une parodie de procès, ce 22 février 1943.

La résistance allemande au nazisme fut seulement le fait de quelques groupes isolés, disposant de faibles moyens et travaillant à leur petit niveau. On évalue leur nombre à un pour cent de la population germanique. Il était en effet plus difficile d’être résistant en Allemagne qu’en France occupée, parce que dans la population résister au nazisme passait pour de la trahison à la patrie. Il était donc plus difficile de s’attirer le soutien populaire. Tandis qu’en France il s’agissait en résistant de combattre l’envahisseur allemand, avant de combattre les collabos français et le régime de Vichy.

Pour cette raison, on comprend pourquoi aujourd’hui, bien que la résistance au mondialisme ait conquis des pans entiers de la population dans les pays occidentaux, celle-ci peine à renverser leurs régimes collabos. Cette résistance, comme celle des allemands entre 39 et 45, passe vis-à-vis du reste de la population pour une trahison sinon envers la nation du moins envers la prétendue démocratie, étant entendu que cette frange ne peut admettre la triste vérité, à savoir que nos classes dirigeantes nous ont fait passer dans le camp du mal, tout comme Hitler l’avait fait en 33. Nous sommes, sous le mondialisme, du mauvais côté, comme le furent les allemands sous Hitler.

Quel que soit le totalitarisme, il ne souffre pas la moindre réprobation publique, écrite ou verbale. Ecrire, imprimer et dupliquer des tracts hostiles au nazisme, d’autant plus en temps de guerre, c’était un acte insupportable pour le tyran et son système. Sophie Scholl en supportera les retombées au prix fort. Aujourd’hui, même si nous n’en sommes pas à risquer la mort en postant, en likant et en partageant nos appels à la résistance, nous voyons venir cependant des lois qui séquestrent la parole par des amendes et bientôt des emprisonnements. Le mondialisme se défend de toute attaque, publique ou privée, en bon totalitarisme qu’il est.

Autre signe des temps totalitaires dans lesquels nous sommes entrés, la collaboration des petits chefs au régime liberticide. Sophie et son frère furent arrêtés parce que dénoncés par le concierge de l’Université de Munich qui l’avait vue jeter un tas de tracts du troisième étage donnant sur la cour intérieure de l’Université. Ce concierge était le parfait rouage de la machine totalitaire, au même titre d’ailleurs que le Doyen qui la remit à la Gestapo. Nos petits kapos à nous furent ces volontaires dont le pouvoir requit la participation pour faire respecter les passes sanitaires dans les restaurants et autres hôpitaux ou médiathèques. Sans leur contribution zélée à la répression et à la persécution, la mécanique totalitaire aurait été vouée à l’échec.

Dans ces conditions, il est crucial que la flamme tremblotante de la résistance continue de luire. Il est vital que la parole critique s’exprime pour que toute la société à son tour s’imprègne de son juste message. Sinon, nous dit Ariane Bilheran, le totalitarisme n’aura plus d’obstacle pour se déchainer. La multiplication des messages dissidents, voilà pour Louis Fouché ou Idriss Aberkane, une assurance de victoire sur la propagande totalitaire.

Le nazisme l’avait bien compris. Si écrire, dupliquer et faire circuler des tracts contre eux avaient été le seul crime de la Rose Blanche, si des timbres, du papier, des enveloppes, une machine à écrire et une autre à reprographier avaient été ses seules armes, la vie de Sophie Scholl aurait été épargnée. Aux yeux des nazis, ce qu’elle avait fait était bien plus grave. Sa seule parole était devenue une menace existentielle pour eux. Par son verbe, elle leur portait atteinte. S’il en fallait une preuve, à son procès elle se défendit avec un tel panache qu’elle réussit à rabrouer les aboiements de Freisler devant un parterre d’officiers médusés. L’exécution de Sophie n’éteignit toutefois pas la flamme. C’était peine perdue pour la soldatesque national-socialiste. La flamme avait grandi au contraire. La Royal Air Force allait reprendre le flambeau, larguant par avion les tracts de la Rose Blanche sur l’Allemagne.

Affiches et stickers de la nouvelle Rose Blanche

L’un des pamphlets de la Rose Blanche disait : « Aujourd’hui tous les allemands devraient avoir honte de leur gouvernement, et personne ne peut prévoir l’étendue du déshonneur qui s’abattra sur nous et nos enfants, quand ces crimes indicibles et abominables seront révélés au grand jour ». Nous serions nombreux à présent à signer le même texte. Il s’appliquerait volontiers en effet à la situation en cours. Nous substituerions seulement au mot allemand celui de français. Et parmi les crimes en question, nous penserions tous à ceux commis pendant le covid par nos dirigeants. Ce n’est donc pas un hasard si une nouvelle Rose Blanche a fleuri depuis 2021 dans les réseaux sociaux. A l’image des tracts de Sophie, leurs stickers inondent aujourd’hui l’espace public.¾

 

Photo d'illustration : Le visage juvénile de la résistance, Sophie Scholl

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