La résistance allemande au nazisme fut seulement le fait de quelques groupes isolés, disposant de faibles moyens et travaillant à leur petit niveau. On évalue leur nombre à un pour cent de la population germanique. Il était en effet plus difficile d’être résistant en Allemagne qu’en France occupée, parce que dans la population résister au nazisme passait pour de la trahison à la patrie. Il était donc plus difficile de s’attirer le soutien populaire. Tandis qu’en France il s’agissait en résistant de combattre l’envahisseur allemand, avant de combattre les collabos français et le régime de Vichy.
Pour cette raison, on comprend pourquoi aujourd’hui, bien que la résistance au mondialisme ait conquis des pans entiers de la population dans les pays occidentaux, celle-ci peine à renverser leurs régimes collabos. Cette résistance, comme celle des allemands entre 39 et 45, passe vis-à-vis du reste de la population pour une trahison sinon envers la nation du moins envers la prétendue démocratie, étant entendu que cette frange ne peut admettre la triste vérité, à savoir que nos classes dirigeantes nous ont fait passer dans le camp du mal, tout comme Hitler l’avait fait en 33. Nous sommes, sous le mondialisme, du mauvais côté, comme le furent les allemands sous Hitler.
Quel que soit le totalitarisme, il ne souffre pas la moindre réprobation publique, écrite ou verbale. Ecrire, imprimer et dupliquer des tracts hostiles au nazisme, d’autant plus en temps de guerre, c’était un acte insupportable pour le tyran et son système. Sophie Scholl en supportera les retombées au prix fort. Aujourd’hui, même si nous n’en sommes pas à risquer la mort en postant, en likant et en partageant nos appels à la résistance, nous voyons venir cependant des lois qui séquestrent la parole par des amendes et bientôt des emprisonnements. Le mondialisme se défend de toute attaque, publique ou privée, en bon totalitarisme qu’il est.
Autre signe des temps totalitaires dans lesquels nous sommes entrés, la collaboration des petits chefs au régime liberticide. Sophie et son frère furent arrêtés parce que dénoncés par le concierge de l’Université de Munich qui l’avait vue jeter un tas de tracts du troisième étage donnant sur la cour intérieure de l’Université. Ce concierge était le parfait rouage de la machine totalitaire, au même titre d’ailleurs que le Doyen qui la remit à la Gestapo. Nos petits kapos à nous furent ces volontaires dont le pouvoir requit la participation pour faire respecter les passes sanitaires dans les restaurants et autres hôpitaux ou médiathèques. Sans leur contribution zélée à la répression et à la persécution, la mécanique totalitaire aurait été vouée à l’échec.
Dans ces conditions, il est crucial que la flamme tremblotante de la résistance continue de luire. Il est vital que la parole critique s’exprime pour que toute la société à son tour s’imprègne de son juste message. Sinon, nous dit Ariane Bilheran, le totalitarisme n’aura plus d’obstacle pour se déchainer. La multiplication des messages dissidents, voilà pour Louis Fouché ou Idriss Aberkane, une assurance de victoire sur la propagande totalitaire.
Le nazisme l’avait bien compris. Si écrire, dupliquer et faire circuler des tracts contre eux avaient été le seul crime de la Rose Blanche, si des timbres, du papier, des enveloppes, une machine à écrire et une autre à reprographier avaient été ses seules armes, la vie de Sophie Scholl aurait été épargnée. Aux yeux des nazis, ce qu’elle avait fait était bien plus grave. Sa seule parole était devenue une menace existentielle pour eux. Par son verbe, elle leur portait atteinte. S’il en fallait une preuve, à son procès elle se défendit avec un tel panache qu’elle réussit à rabrouer les aboiements de Freisler devant un parterre d’officiers médusés. L’exécution de Sophie n’éteignit toutefois pas la flamme. C’était peine perdue pour la soldatesque national-socialiste. La flamme avait grandi au contraire. La Royal Air Force allait reprendre le flambeau, larguant par avion les tracts de la Rose Blanche sur l’Allemagne.