En 2003, André Halimi réalisait un documentaire intitulé La délation sous l’occupation. On y découvre en une heure et demie tout le fond de cuve, comme dirait si joliment la collabo Céline Pina, d’une société sous oppression totalitaire. La lâcheté, la mesquinerie, la xénophobie, l’antisémitisme (le vrai, pour le coup) et la vengeance ont été dans les années 40-44 les motivations à l’œuvre, qui pour dénoncer son voisin, qui un concurrent ou encore un membre de sa famille. Trois millions de délateurs se sont ainsi livrés à ce petit jeu malsain. Gageons que nous verrons bientôt les mêmes profils s’adonner à une résurgence en masse de cet acte odieux : la délation des opposants au nouvel ordre mondial, des libres penseurs, je dirais même plus, de ceux qui pensent, tout court.
Pour attraper dans ses filets davantage de proies, le totalitarisme a besoin de coller une étiquette d’infamie la plus large possible. Donc, avant d’encourager à la délation, c’est-à-dire la participation des masses à l’instauration de l’arbitraire pour des motifs aussi variés que scabreux, il faut au régime offrir un semblant de légalité en définissant le délit, en l’occurrence ici le délit d’opinion, et en taxant les délictueux d’épithètes qui se veulent déshonorants : complotistes, terroristes... Autrement dit, et c’est l’objet de l’offensive qui démarre sous nos yeux, il faut officialiser le crime nouveau (et surréaliste) qui tombera sous le coup de la loi. Qu’il est curieux de constater que les inventeurs du terrorisme intellectuel affublent à leur tour leurs contradicteurs de terroristes ! Toujours l’inversion accusatoire. On en revient là.
Les fameuses assises des dérives sectaires et du complotisme remplissent cet objectif. Les complotistes ont eu beau avoir raison systématiquement face aux mensonges du pouvoir, ils restent des complotistes uniquement parce qu’ils ont osé penser par eux-mêmes, puis ont osé s’opposer à Big Brother. Voilà leur crime. Un manipulateur bien placé a reconnu dernièrement : « Le futur est construit par […] une communauté puissante ici dans cette salle. Nous avons les moyens d’imposer l’état du monde. » Qui oserait dire cela sinon un complotiste ? Eh bien, messieurs les censeurs, c’est Klaus Schwab en personne, votre gourou, et à Davos, en séance plénière ! Lui aussi, le faiseur de rois, le roi des comploteurs, est-il complotiste ? Parce que ça c’est bien l’aveu d’un complot d’initiés. Mais la différence entre lui et les complotistes, c’est que Schwab, lui, a le droit de penser. Pas nous. C’est aussi pour ça que l’incohérence a été érigée en valeur pour mieux détruire notre entendement et nous pousser à éviter de penser. Avec dérives sectaires et complotisme, c’est nous que l’on vise. Non pas les derniers adeptes de je ne sais quel Madarom, mais les opposants à leur politique. En fait, nous tous, tôt ou tard. Même les plus serviles y passeront. Aussi je me sens visé comme tant de français qui ne s’excuseront pas de penser.