Le film respire donc le cynisme et le mensonge. Tout du long, la population américaine est renvoyée à un statut de consommateurs abreuvés de niaiseries télévisuelles. De plus, l'histoire a les apparences de la vraisemblance, parce que le film ne fait pas l'impasse sur les coulisses de la mystification. Il montre combien, il y a déjà trente ans, il était techniquement possible de duper les spectateurs à partir d'un événement médiatisé, réel ou inventé. Par le choix des figurants, des incrustations vidéos, de complices du showbiz et de médias serviles... De nos jours, le subterfuge serait d'autant plus réalisable avec des moyens numériques décuplés ! Quant au cynisme des hommes de pouvoir, tout indique qu'il bat tous les records aujourd'hui.
Pour revenir au film, tout est faux dans cette guerre picrocholine. Aucun différent n'oppose l'Amérique à l'Albanie et les scènes qui passent en boucle sur les téléviseurs sont inventées de A à Z. Elles ne sont sorties que de l'esprit malin du producteur. Néanmoins une fois diffusées sur les grandes chaînes, elles vont acquérir un certificat d'authenticité. Automatiquement ! Comme par magie.
Aussi s'il y a une morale à tirer, c'est bien de prendre du recul par rapport à la propagande, en temps de paix comme en temps de guerre. Les médias n'ayant pas fait leur aggiornamento, la suspicion de désinformation doit prévaloir. Assez d'émotions trompeuses, assez de faire appel dangereusement à notre pitié ! Coupons les ponts de ce côté-là ! Nous ne voulons que des faits avérés et des résolutions de règlement de conflits.
Wag the dog n'est pas une comédie politique fantaisiste. Elle décrit, hélas, ce à quoi en sont venus les hommes de pouvoir. Du moment qu'ils en ont les moyens, ils ne se privent pas de les mettre au service de leur seul intérêt.
En Ukraine comme au Proche-Orient, on a eu maintes occasions, sinon d'assister à de fausses guerres, du moins de se voir présenter des épisodes montés de toutes pièces par des médias de propagande : un immeuble ukrainien pris pour cible par un obus russe qui se révèle n'être qu'une cheminée ! Un hôpital palestinien prétendument visé par l'artillerie israélienne qui n'est au bout du compte qu'un parking impacté davantage par une munition de faible calibre du Hamas que par un obus de Tsahal. Rien de nouveau en ce domaine. N'y a-t-il pas assez d'horreurs dans la guerre pour en inventer d'autres ? Au contraire, tout est mis en œuvre de part et d'autre pour que l'émotion l'emporte, pour qu'une présentation manichéenne exacerbe les comportements. C'est pourquoi il importe tant de ne pas céder aux scénaristes du pire, bellicistes occidentaux autant que va-t-en-guerre musulmans.
En twittant " Comment est-il possible que j'aie vu plus de vidéos de cette guerre en Israël en quelques heures que d'Ukraine en presque deux ans ??? ", Donald Trump Jr. montre qu'il a bien compris l'impact des images. Inonder la toile d'un déluge d'images dont personne ne peut certifier l'authenticité, et certainement pas les médias, ne peut que disqualifier l'ennemi devant l'opinion publique prise ainsi à partie, quand bien même il s'avèrerait ultérieurement que des faits ont été travestis. En attendant, le mal aura été fait.
Wag the dog a offert à Anne Heche dans sa carrière un rôle atypique. Cette actrice pétillante était plutôt connue pour sa participation à d'aimables comédies. Cependant son dernier film Girl in room 13 a abordé un thème beaucoup moins léger, à savoir le trafic sexuel. Cette réalisation lui tenait à cœur. Pourtant elle n'aura pas eu la satisfaction de voir la sortie du film. Elle mourra avant, le 12 août 2022, des suites d'un accident de voiture. Des rumeurs persistantes et même des vidéos de son accident ont circulé, qui laissent penser qu'elle a perdu la vie à cause de ce film. Qu'on y voit ou non un contrat exécuté dans l'intérêt de la caste, Anne Heche n'aurait jamais dû mourir à 53 ans.■
Photo d'illustration : New Line Cinema / Everett Collection