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Les scénaristes du pire

Le 05/11/2023

Dans Actualités

J'adhère dans les grandes lignes à l'idée que la perception détermine le comportement. Les apprentis sorciers de l'ingénierie sociale l'ont expérimentée depuis des lustres. Ce n'est pas la recherche de la vérité qui conditionne les comportements mais bien la perception des choses, qu'elle soit fidèle ou non à la réalité.

Qu'on nous présente un tableau tronqué ou déformé du réel, sans adéquation avec lui, aucune importance ! Ce qui importe c'est la représentation, que nous nous en faisons, car c'est elle qui motive notre conduite.

Sachant fort bien cela, les ingénieurs sociaux ont su s'en servir afin de guider le troupeau que nous sommes dans la direction souhaitée, et de l'influencer à dessein. 

Une comédie américaine de Barry Levinson, sortie en 1997, l'illustre. Imaginez, vous êtes chargé de la campagne du Président des États-Unis en vue d'un second mandat. Le scrutin approche et, alors que les sondages le donnent favori, il se retrouve éclaboussé par une affaire de viol. Vous constatez que le scandale va éclater dans les journaux sans pouvoir y remédier. Que faire alors ? Voilà à quoi est confrontée la conseillère particulière du Président sortant, dont le personnage est joué par Anne Heche, dans ce film intitulé Wag the dog (littéralement Noyer le poisson) et traduit en français par Des hommes d'influence. 

La conseillère emploie alors les services d'un franc-tireur de la politique, campé par Robert De Niro. Sa mission : trouver une solution pour sortir le candidat Président de ce mauvais pas, qui risque de lui coûter sa réélection.

De Niro use vite d'un subterfuge qu'il propose à un producteur de cinéma fantasque, sous les traits de Dustin Hoffman, de mettre en œuvre.

Notre mercenaire des coups tordus pense qu'il faut allumer un contre-feu. Faire diversion avec une guerre constitue pour lui le meilleur moyen de détourner l'attention du public, et donc des électeurs, et par la même occasion le meilleur moyen de permettre le retour en grâce du Président. Cependant une guerre, ce n'est pas rien. Alors ce sera une fausse guerre, un simulacre de guerre, une guerre factice comme sait en produire Hollywood avec ses effets spéciaux et que les médias savent rendre plausible grâce à leurs bonimenteurs de journalistes. 

Et une guerre contre l'Albanie, par exemple, sera d'autant plus facile à simuler que personne ne connaît cet obscur pays de la lointaine Europe. Manipuler le spectateur-électeur sera un jeu d'enfant auquel se délectent par avance nos démiurges. On le bernera avec des montages vidéos truqués, de faux témoignages, de la guimauve en chanson... Et si par hasard le scénario tourne court, on le fera évoluer, l'essentiel étant de ne pas perdre de vue le but à atteindre.

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Truquage d'une scène de guerre dans le film Wag the dog

Le film respire donc le cynisme et le mensonge. Tout du long, la population américaine est renvoyée à un statut de consommateurs abreuvés de niaiseries télévisuelles. De plus, l'histoire a les apparences de la vraisemblance, parce que le film ne fait pas l'impasse sur les coulisses de la mystification. Il montre combien, il y a déjà trente ans, il était techniquement possible de duper les spectateurs à partir d'un événement médiatisé, réel ou inventé. Par le choix des figurants, des incrustations vidéos, de complices du showbiz et de médias serviles... De nos jours, le subterfuge serait d'autant plus réalisable avec des moyens numériques décuplés ! Quant au cynisme des hommes de pouvoir, tout indique qu'il bat tous les records aujourd'hui. 

Pour revenir au film, tout est faux dans cette guerre picrocholine. Aucun différent n'oppose l'Amérique à l'Albanie et les scènes qui passent en boucle sur les téléviseurs sont inventées de A à Z. Elles ne sont sorties que de l'esprit malin du producteur. Néanmoins une fois diffusées sur les grandes chaînes, elles vont acquérir un certificat d'authenticité. Automatiquement ! Comme par magie.

Aussi s'il y a une morale à tirer, c'est bien de prendre du recul par rapport à la propagande, en temps de paix comme en temps de guerre. Les médias n'ayant pas fait leur aggiornamento, la suspicion de désinformation doit prévaloir. Assez d'émotions trompeuses, assez de faire appel dangereusement à notre pitié ! Coupons les ponts de ce côté-là ! Nous ne voulons que des faits avérés et des résolutions de règlement de conflits.

Wag the dog n'est pas une comédie politique fantaisiste. Elle décrit, hélas, ce à quoi en sont venus les hommes de pouvoir. Du moment qu'ils en ont les moyens, ils ne se privent pas de les mettre au service de leur seul intérêt.

En Ukraine comme au Proche-Orient, on a eu maintes occasions, sinon d'assister à de fausses guerres, du moins de se voir présenter des épisodes montés de toutes pièces par des médias de propagande : un immeuble ukrainien pris pour cible par un obus russe qui se révèle n'être qu'une cheminée ! Un hôpital palestinien prétendument visé par l'artillerie israélienne qui n'est au bout du compte qu'un parking impacté davantage par une munition de faible calibre du Hamas que par un obus de Tsahal. Rien de nouveau en ce domaine. N'y a-t-il pas assez d'horreurs dans la guerre pour en inventer d'autres ? Au contraire, tout est mis en œuvre de part et d'autre pour que l'émotion l'emporte, pour qu'une présentation manichéenne exacerbe les comportements. C'est pourquoi il importe tant de ne pas céder aux scénaristes du pire, bellicistes occidentaux autant que va-t-en-guerre musulmans. 

En twittant " Comment est-il possible que j'aie vu plus de vidéos de cette guerre en Israël en quelques heures que d'Ukraine en presque deux ans ??? ", Donald Trump Jr. montre qu'il a bien compris l'impact des images. Inonder la toile d'un déluge d'images dont personne ne peut certifier l'authenticité, et certainement pas les médias, ne peut que disqualifier l'ennemi devant l'opinion publique prise ainsi à partie, quand bien même il s'avèrerait ultérieurement que des faits ont été travestis. En attendant, le mal aura été fait.

Wag the dog a offert à Anne Heche dans sa carrière un rôle atypique. Cette actrice pétillante était plutôt connue pour sa participation à d'aimables comédies. Cependant son dernier film Girl in room 13 a abordé un thème beaucoup moins léger, à savoir le trafic sexuel. Cette réalisation lui tenait à cœur. Pourtant elle n'aura pas eu la satisfaction de voir la sortie du film. Elle mourra avant, le 12 août 2022, des suites d'un accident de voiture. Des rumeurs persistantes et même des vidéos de son accident ont circulé, qui laissent penser qu'elle a perdu la vie à cause de ce film. Qu'on y voit ou non un contrat exécuté dans l'intérêt de la caste, Anne Heche n'aurait jamais dû mourir à 53 ans.■

 

Photo d'illustration : New Line Cinema / Everett Collection

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