Francis à son amante Agnès :
Mon aimée, je n’ai eu que le temps de m’étonner depuis que j’ai quitté l’habitacle de ma machine. Dis-toi bien une chose, passé l’an 2000, Paris ne ressemble guère à nos rêveries d’avenir. Point de bizarreries futuristes. Le métro, par exemple, n’a pas disparu. Il ressemble à nos rames vétustes. A la différence qu’il est encore plus bondé, qu’il sent plus mauvais que jamais et qu’à contempler la diversité des visages qui le fréquentent une cane n’y retrouverait pas ses petits. Impression étrange que ce premier contact avec nos descendants. En effet, une race singulière de voyageurs y circule, munie de masques, du genre chirurgical. Notre métropolitain a dès lors tous les stigmates d’une salle d’attente d’hôpital. La Faculté, du moins celle que je connaissais, celle des années 60 où tu es restée, a beau proclamer son inutilité voire sa nocivité à ceux qui voudraient en étendre le champ d’application, nos philosophes comme Levinas ont beau s’échiner à faire comprendre que le visage définit l’homme et que l’ôter à la vue c’est déshumaniser les relations humaines, cette race de zombies a néanmoins proliféré, hantant les couloirs des stations et lançant aux autres des regards furibonds. Mon Agnès, prie pour que l’hypocondrie ne soit pas contagieuse. Ici elle fait des ravages que tu condamnerais. Toi qui demeures soixante ans en arrière, apprécie que les hommes y aient encore une colonne vertébrale. Pas comme ici. Ici, ils ont peur de leur ombre. Et aucun discours rationnel ne peut les dissuader d’ôter ce bâillon.
Armand à Francis, dans un café :
Tiens-toi bien, mon ami. J’ai appris que notre bonne vieille Paname était désormais dirigée par un maire dont le nom fleure bon l’Espagne : Hidalgo est ce nom. Mais surtout cet hidalgo est une femme ! Je n’y comprends rien. Il semble qu’une partie substantielle de la population soit devenue hermaphrodite. La femme à barbe aurait-elle fait des petits ? Mais trêve de plaisanteries… Des parisiens que j’ai croisés m’ont entretenu de sa politique, lorsque je leur ai fait remarquer la saleté des rues et les embarras ahurissants, dignes de Boileau. Ils m’ont appris qu’elle avait pourtant accru la taxe sur le foncier de 60% ! Et crois-tu que ses administrés lui en aient tenu rigueur ? En aucune façon ! Il ne leur vient même pas à l’idée de se plaindre. Etre écrasé d’impôts et voir en même temps les services publics se dégrader ne les indigne plus. De savoir dans quel tonneau des Danaïdes passe leur argent ne les préoccupe pas le moins du monde. Ce doit être une grande magicienne pour exercer un tel empire sur ses administrés et les faire penser comme elle veut.
Francis à Armand :
Oh mais il y a un autre magicien plus fort encore, qui n’est pas moins maître de son esprit qu’il l’est lui-même de celui des autres. Ce magicien s’appelle Macron. Et il est président. Tantôt il fait croire que trois millions de chômeurs n’en font qu’un ; tantôt il prétexte qu’il mène la guerre à un virus. Tantôt il fait accroire qu’il dirige démocratiquement alors qu’il se moque de la Constitution. Tantôt il suspend des soignants contre toutes les lois nationales et internationales, que ses prédécesseurs ont signées, tantôt contre tous les principes il sursoit à la nomination du premier ministre et part en vacances. Bref, c’est le fait du prince et l’on dirait que le peuple s’est fait à l’idée de subir un tel régime. Ce président s’est ainsi illustré en mille autres choses de cette espèce comme de régner en roitelet sur une cour mérovingienne. Ou comme de laisser ses ministres démissionnaires mais encore en poste voter à l’Assemblée tels des députés, au mépris de la séparation des pouvoirs exécutif et législatif. C’est un mélange des genres intolérable qu’on voit seulement dans les républiques bananières ! Or ce mélange des genres commence par vouloir prendre un homme pour une femme ! Moi aussi j’ai remarqué les mêmes signes de décadence que toi en ce domaine. Je suis heureux qu’Agnès ne voie pas vers quelle dépravation des mœurs la société s’en va.