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Tucker Carlson ou La caméra explore le temps

Le 26/01/2023

Dans Actualités

Un soir de la semaine dernière, le chroniqueur Tucker Carlson a livré dans un éditorial, qui pourrait s’intituler notre démocratie est une blague, de quoi bouleverser l’histoire américaine depuis un demi-siècle. Rien que cela. C’est l’élite de Washington qui dirige, a-t-il balancé. Ce n’est pas la démocratie que vous imaginez. Nous le voyons bien maintenant. Donc si vous voulez vraiment comprendre comment le gouvernement américain fonctionne réellement au plus haut niveau et si vous voulez savoir pourquoi on n’enseigne plus l’histoire, une chose que vous devriez savoir est que le président le plus populaire de l’histoire américaine était Richard Nixon !

Cette allégation pourrait surprendre, car nous avons tous en tête, en tout cas ceux qui l’ont vécu, l’épisode dévastateur du Watergate et la déconfiture qui s’ensuivit du président Nixon. Sous le poids des accusations, aux abois, il fut contraint de démissionner, laissant l’image d’un président aux pratiques plus que condamnables. Mais écoutons la suite.

Pourtant d’une manière ou d’une autre, l’affirme Carlson, sans que l’électeur américain ait voté, Richard Nixon a été chassé du pouvoir et remplacé par le seul président non élu de l’histoire américaine. Nous sommes donc passés du président le plus populaire à un président pour lequel personne n’a voté. Attendez une minute, vous pouvez me demander, mais pourquoi je ne le savais pas ? Richard Nixon n’était-il pas un criminel ? N’était-il pas méprisé par toutes les personnes honnêtes ? Non, il ne l’était pas. Si un président pouvait prétendre être le choix du peuple, c’était Richard Nixon. Richard Nixon a été réélu en 1972 avec la plus grande marge de votes populaires jamais enregistrés auparavant ni depuis. Nixon a obtenu 17 millions de voix de plus que son rival, [le démocrate McGovern]. Moins de deux ans plus tard, il était parti. Il a été forcé de démissionner. Et, à sa place, un serviteur obéissant des agences fédérales [CIA et FBI], appelé Gerald Ford, a pris la Maison Blanche. Comment cela est-il arrivé ?

Oui, comment ? Mais avant, il faut nous rafraîchir la mémoire en rappelant les événements tels que l’histoire les as retenus ? L’affaire débute en juin 1972. Nixon est déjà au pouvoir. Il mène campagne pour se faire réélire en novembre. Dans la nuit du 16 au 17 juin, cinq monte-en-l’air pénètrent par effraction à l’intérieur des locaux du Parti démocrate, situés au sixième étage du bâtiment du Watergate, à Washington. La police métropolitaine prévenue par la sécurité les coffre. Le lendemain de leur arrestation, un jeune journaliste du Washington Post, Bob Woodward, s’empare de l’affaire. Il est rejoint par son collègue Carl Bernstein. Les deux hommes flairent le coup et se mettent à enquêter d’arrache-pied. Leur premier article rapporte que les faux « plombiers », comme on les appellera, s’apprêtaient à placer des micros au plafond. Il note surtout que l’un des cambrioleurs, un certain McCord, est un ancien de la CIA et qu’il occupe au Comité pour la réélection du Président le poste de coordinateur pour la sécurité. En revanche, en dehors du deuxième prévenu Bernard Parker qui a travaillé par intermittence pour l’Agence, il ne précise pas que les trois autres appartiennent aussi à la CIA. Ces individus sont en liaison avec le milieu des exilés cubains de Miami, hostiles à Castro, souligne uniquement l’article. De plus, les inculpés étaient en relation avec un certain Howard Hunt du Comité pour la réélection du Président et avec Charles Colson, le conseiller juridique de la Maison Blanche. Guidé par un indic qu’il surnomme Deep Throat, Gorge profonde, que seul Woodward rencontrera, et, suivant la piste de l’argent, le binôme découvrira le pot aux roses, à savoir les manipulations et les malversations de l’administration Nixon, dont le financement d’opérations d’espionnage politique. Les articles, qui suivront, provoqueront l’ouverture d’une enquête sénatoriale qui aboutira à la condamnation des responsables, parmi lesquels Colson, Stans, le directeur financier du Comité de réélection, Mitchell, le chef de ce Comité et Haldeman, le chef de Cabinet de la Maison Blanche, ainsi qu’à la démission de Nixon, en août 1974.

Bob woodward
Bob woodward robert redford

Bob Woodward (à gauche) n'était peut-être pas le journaliste que croyait Robert Redford en interprétant son rôle (à droite)

Un film réalisé par Alan Pakula, à partir d’un livre écrit par nos deux reporters, a immortalisé l’affaire. Les deux acteurs Robert Redford et Dustin Hoffman y interprètent dans l’ordre Bob Woodward et Carl Bernstein. Soit dit en passant, Robert Redford fut même coproducteur du film sorti en 1976. Pour en arriver là, Redford a dû vaguement s’identifier à Woodward. On apprendra en 2005 qui était Gorge profonde. Il s’agissait de Mark Felt, le numéro deux du FBI, à l’époque des faits. Les deux journalistes entreront dans la légende. Dès 1973 ils recevront le Prix Pulitzer. Richard Nixon, de son côté, achèvera sa carrière politique dans l’opprobre national et international. Quant à l’histoire, elle retiendra qu’il fut un président misérable. Le GOP sera éclaboussé et le Parti Démocrate, alors en charpie, jouera les vierges effarouchées. Le Washington Post, par sa sagacité et son professionnalisme, symbolisera le triomphe de l’aimable progressisme contre l’insidieux conservatisme. Carton plein pour les tireurs de ficelles de Washington. Nous avons été nombreux, lorsque les preuves de concussion et de trahison de la famille Biden, Joe en tête, atterrirent sur les bureaux du FBI et de la grande presse, à regretter que ce modèle de déontologie ne s’applique pas dans l’autre sens, cette fois contre les démocrates. Manifestement, il n’y a plus d’audacieux reporters au Washington Post ou bien le Post n’est qu’un organe partisan.

Seulement voilà, Tucker Carlson revient sur ce scandale mémorable pour rétablir certaines vérités. A chacun de vouloir les entendre ou pas, comme toujours. Voici les grandes lignes de l’histoire et elles en disent long, raconte le journaliste de Fox News. Richard Nixon était convaincu que les éléments de la bureaucratie fédérale travaillaient à saper le gouvernement américain, et ce depuis longtemps […] Le 23 juin 1972, Nixon rencontre à la Maison Blanche Richard Helms, qui était le directeur de la CIA. Pendant la conversation, qui heureusement a été enregistrée, Nixon a suggéré qu’« il savait, je cite, qui a tiré sur John », c’est-à-dire le président John Fitzgerald Kennedy. Nixon a également laissé entendre que la CIA était directement impliquée dans l’assassinat de JFK, ce que nous savons maintenant. La réponse éloquente de Helms : le silence total ! Pour Nixon, cela n’avait pas d’importance, car c’était déjà fini. Quatre jours auparavant, le 19 juin, le Washington Post avait publié le premier d’une longue série d’articles sur une effraction dans l’immeuble du Bureau du Watergate. A l’insu de Nixon, et sans être rapporté par le Washington Post, quatre des cinq cambrioleurs  travaillaient pour la CIA. Le premier des articles malhonnêtes sur le Watergate a été écrit par un journaliste de 29 ans, Bob Woodward. Qui était exactement Bob Woodward ? Eh bien ce n’était pas un journaliste ! Bob Woodward n’avait pas la moindre expérience dans le domaine de la presse. Au contraire, Bob Woodward venait des zones classifiées du gouvernement fédéral. Peu avant le Watergate, Woodward était un officier de Marine au Pentagone. Il avait une autorisation top secret. Il travaillait régulièrement avec les agences de renseignement. A un moment donné, Woodward a même été affecté à la Maison Blanche sous Nixon où il a eu des contacts avec les principaux collaborateurs de Richard Nixon. Peu après avoir quitté la Marine, Woodward a été engagé par le plus puissant média de Washington et s’est vu confier la plus grande histoire du pays. Et, pour que ce soit clair comme de l’eau de roche, la principale source de Woodward pour sa série sur le Watergate était le directeur adjoint du FBI Mark Felt. Et Mark Felt dirigeait, et nous n’inventons rien, le programme Cointelpro du FBI, qui était conçu pour discréditer secrètement les acteurs politiques que les agences fédérales voulaient détruire. Des personnalités comme Richard Nixon. Et, au même moment, ces mêmes agences travaillaient également à faire tomber le vice-président élu de Nixon, Spiro Agnew. A l’automne 1973, Agnew était inculpé pour fraude fiscale et contraint de démissionner. Son remplaçant était un député appelé Gerald Ford. Quelles étaient les qualifications de Ford pour le poste ? Eh bien il avait siégé à la Commission Warren, qui avait exonéré la CIA de toute responsabilité dans le meurtre du président Kennedy. Nixon a été obligé d’accepter Gerald Ford par les démocrates du Congrès. Je cite, « nous n’avons pas laissé le choix à Nixon ». Mais le 46ème speaker de la Chambre des Représentants de Ford, Carl Albert, s’est vanté que huit mois plus tard Gerald Ford, membre de la Commission Warren, était le président des Etats-Unis. Vous voyez comment ça marche. Donc ce sont des faits, pas de la spéculation. Tout cela s’est réellement passé. Rien de tout cela n’est secret. Mais aucun média grand public n’a jamais raconté cette histoire. C’est tellement évident, pourtant c’est intentionnellement ignoré. Et en conséquence les élites de Washington restent en charge de notre système politique. Les fonctionnaires à vie qui sont non élus et les agences fédérales qui prennent les plus grandes décisions du gouvernement américain écrasent quiconque tente de les maîtriser. Et dans le processus notre démocratie devient une blague.

Tucker carlson watergate

Tucker Carlson revient sur l'affaire du Watergate en délivrant de nouvelles informations

Ces faits appellent nombre de commentaires. D’abord, pourquoi cinq hommes auraient-ils été nécessaires pour placer des micros ? Une question que peu ont posée. Un voire deux plombiers aurait suffi. Cinq, et pourquoi pas un car entier d’espions en visite organisée ! Le fait ensuite que quatre des cambrioleurs aient été de la CIA est aujourd’hui reconnu, mais cela ne veut pas dire que la chose l’ait été au déclenchement du Watergate. Bien au contraire. Et la qualification des articles du Post de malhonnêtes par Tucker Carlson est à mettre en relation avec ce point crucial ainsi qu’avec la réelle identité de Bob Woodward. Nulle part, en effet, on ne trouve trace des éléments de biographie rapportés par Carlson dans les sources accessibles. Ni dans le film Les hommes du président, on peut comprendre pourquoi, le film étant un simple condensé du livre écrit par le duo de choc du Post, ni dans la bio de Woodward pondue par Wikipedia. Woodward ne s’est jamais vanté de ce chapitre de son existence. Nous ne l’apprenons qu’aujourd’hui, et ça change tout. Qu’il ait eu un passé, avant le journalisme, et que ce passé dans le renseignement ait été soigneusement occulté fait une grosse différence avec la version officielle. On savait seulement que Woodward venait d’entrer au Post neuf mois plus tôt. Si le rédacteur Harry Rosenfeld croyait en Bob Woodward, il admit que ses débuts ne furent pas des plus prometteurs. Au passage, on peut se demander comment il a pu être embauché dans un journal si réputé sans aucune référence. La vocation lui sera venue sur le tard, il faut croire. Le film le présente de surcroît comme un piètre prosateur. Bernstein se permettra de corriger ses articles avant qu’lis ne passent sur le marbre. Le film ne mentionne pas non plus que Woodward avait ses entrées à la Maison Blanche. Pas plus que le fait qu’il était en cheville avec les agences de renseignement, FBI compris. En ce cas, comment ne connaissait-il pas son directeur adjoint, Mark Felt, au moins de vue ? C’est impensable. Woodward rencontrera Gorge profonde dans un parking à de multiples reprises. Alors, comment en étant nez à nez avec lui tant de fois n’a-t-il pu identifier son informateur ? De nombreux pans de l’affaire restent assurément cousus de fil blanc.

Qu’apprend-on ensuite de Mark Felt ? L’homme était à la tête de Cointrelpro, un programme de contre-espionnage visant à compromettre les gêneurs de ces agences omnipotentes de Washington. Non content de faire du renseignement, Cointelpro passait à l’action en déstabilisant l’ennemi voire en lui attribuant des délits qu’il n’avait pas commis. Si ce programme a pu nuire à des associations afro-américaines, il a atteint aussi le sommet de l’Etat. On soupçonne de ce fait que Gorge profonde a pu, non pas vouloir dénoncer des hommes politiques à cause de leurs actes répréhensibles, mais vouloir les saborder auprès de l’opinion publique pour le compte de l’élite. Felt a pu ne pas être un indic pour Woodward mais plutôt son donneur d’ordre. Il lui a désigné la cible, en l’occurrence Nixon et son administration. C’est ce qu’il faut comprendre en filigrane dans les propos de Tucker Carlson. Ce dernier précise bien que ce qu’il nous dévoile relève de faits avérés et non de supputations. Bob Woodward, sous sa couverture de journaliste, ne serait en réalité qu’un sous-marin des agences de renseignement chargé de couler le paquebot Nixon en le compromettant à partir d’un grand organe de presse. Lors d’une conférence de rédaction, le film en rend compte, avant que le journal ne se lance dans la parution du premier article, Scott, un rédacteur chargé de l’étranger, vient mettre son grain de sel. Il met en garde sa direction du danger qu’elle encourt. Il trouve effectivement suspect d’être le seul journal sur le coup, qu’aucun autre canard n’ait fait écho à leur enquête. Mais surtout, insiste-t-il, il y a plus de deux milles journalistes dans cette ville. Y en a-t-il seulement cinq sur l’affaire du Watergate ? Pourquoi le Washington Post aurait-il soudain le monopole du discernement ? Et pourquoi les républicains auraient-ils fait ça, puisque McGovern s’est autodétruit ? Comme Humphrey et tous les autres démocrates ? Je ne crois pas à cette histoire. Elle n’a ni queue ni tête ! L’intervention de Scott, si elle a eu lieu réellement de la sorte, témoigne de son flair.

Le coup monté se solda dans cet ordre par l’éviction d’un vice-président élu (ticket Nixon-Agnew), puis par l’installation d’un vice-président de connivence Gerald Ford, le renversement d’un président dûment élu et enfin par l’installation à la Maison Blanche de ce même Ford, un homme certes falot, mais un homme loyal sur qui le Deep State pouvait compter. Un magistral coup de billard à trois bandes ! Le Deep State n’avait pas reculé pour tuer un président, il n’allait pas le reculer pour en écarter un autre. A la Commission Warren, Ford avait déjà fait ses preuves pour brouiller les pistes et couvrir les arrières des criminels. Certes, il ne brillait pas spécialement. Une anecdote l’illustrera. Un jour, descendant l’escalier d’un avion, il trébucha. Un Biden avant l’heure ! On prétendit alors que Gerald Ford n’était pas capable de faire deux choses à la fois : mâcher du chewing-gum et descendre un escalier ! C’est dire dans quelle estime on le tenait. Mais le but, en l’installant à la Maison Blanche, était de contrôler l’exécutif, sachant qu’à son tour Nixon, après Kennedy, avait évalué la menace que représentait l’élite pour la démocratie. Helms en avait été le témoin.

Kennedy et nixon

Kennedy et Nixon

Nixon savait qu’il pouvait lui en cuire de s‘attaquer à elle, ayant compris qu’elle n’avait pas hésité à faire assassiner JFK par la CIA. Avant même Richard Helms, qui concéda de façon tacite l’implication de son agence, dix ans plus tôt, dans le meurtre d’un président en exercice, un autre directeur de la CIA n’avait cessé d’intriguer. Je veux parler d’Alan Dulles. Coup sur coup, ce personnage trouble a défendu des intérêts privés, a été l’exécuteur des basses œuvres à la CIA d’abord comme responsable des opérations secrètes puis comme directeur. Alors que JFK l’avait viré à la suite du désastre de la Baie des Cochons, il participa néanmoins à la Commission Warren, grâce à l’intervention de Lyndon Johnson, un des principaux suspects dans la mort de JFK. Avec de tels membres qui avaient trempé dans le complot, comment vouliez-vous que la commission fasse toute la lumière ?

Nixon aura résisté plus de deux ans. La pression a dû cependant être si forte et la situation si périlleuse qu’il a fini par céder. Peut-être l’histoire le réhabilitera-t-elle. Difficile à dire, mais imaginez surtout le pouvoir de nuisance de ces gens. Pas étonnant qu’ils se croient intouchables. A mesure que la vérité se fait jour sur des événements aussi marquants que le meurtre de JFK, le Watergate ou le 11 septembre, notre approche de la réalité s’en trouve radicalement bouleversée. Tous les dix ou vingt ans, ce gang d’affairistes échafaude des plans machiavéliques, passe à l’acte et tire son épingle du jeu. Le dernier de ces plans, le plus énorme, est sans conteste le covid.¾

 

Photo d'illustration : L'immeuble du Watergate

Nixon JFK Watergate Washington Post Bob Woodward

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