Ce film est sorti à une période où le mondialisme se structurait et commençait à agir à grande échelle, tant en Europe qu’aux Etats-Unis. Deux ans auparavant, Nixon avait désindexé le dollar de l’or et Schwab, sur les conseils pressants de Kissinger, fondait le Forum Economique Mondial. Il faut toujours avoir un œil sur les productions hollywoodiennes comme ici celle de Richard Fleischer, parce qu’elles ne sont jamais anodines mais expriment les potentialités de leur temps.
Venons-en au scénario. L’intrigue se passe à New York en… 2022 ! Surpopulation et pollution à l’échelle planétaire ont conduit à la raréfaction des ressources naturelles. Le monde a sombré dans l’indigence. La population vit aux crochets de l’Etat, végétant en pleine rue le jour, dormant la nuit dans des cages d’escaliers, en guenilles et pour certains avec un masque vissé sur le visage. La lumière étrange dans laquelle baignent les scènes en plein jour suggère que le Soleil ou la Terre ont subi de graves évolutions. Une chaleur constante règne. La Terre semble donc avoir connu un bouleversement climatique irréversible. C’est un temps où l’on ne connait plus qu’une sorte d’aliment, de dégoûtants biscuits. Le dernier en date est appelé soleil vert. Il est synthétisé, se flatte la publicité du fabricant Soylent Industries, à partir de plancton océanique. Toute la beauté de la vie terrestre a disparu. Elle n’est plus qu’un lointain souvenir. Finis les cascades, les forêts, les océans, les couchers de soleil, les fleurs et les animaux sauvages.
Le héros, un policier nommé Frank Thorn et campé par Charlton Heston, se voit charger d’enquêter sur la mort de Simonson, un des dirigeants de la multinationale Soylent Industries. On s’aperçoit à l’occasion que l’élite dirigeante vit dans un luxe insolent : nourriture à base d’aliments naturels, fruits et légumes frais, viande rouge, glace et vins fins… mais aussi électricité et eau courante. Les pénuries n’affectent que la plèbe grouillante des rues qu’une police de robocops réprime sans le moindre ménagement, lorsque se déclenchent des émeutes provoquées par la faim. Les rationnements sont monnaie courante. Ils touchent aussi l’eau et l’électricité. C’est ainsi que Harry Harrison, l’auteur du roman de science-fiction dont a été tiré le film, imagine l’avenir de l’humanité en 2022.
Tous les thèmes apocalyptiques brassés par cette œuvre, à savoir le climat, le surpeuplement, la nourriture synthétique et bien d’autres, n’y sont pas seulement abordés en toile de fond. Ce sont pour ainsi dire des acteurs à part entière qui ne manquent pas d’intervenir au fil de l’intrigue. Mais poursuivons dans l’histoire. Le détective Frank Thorn, en enquêtant au domicile de la victime, un appartement luxueux situé dans les beaux quartiers, fait la connaissance de sa jeune compagne. Cette femme, comme beaucoup de ses semblables, a un statut peu enviable. Elle est considérée comme faisant partie des meubles ! L’appartement une fois réoccupé, le nouveau locataire la gardera ou pas avec lui, selon son bon vouloir. On est frappé par une condition de la femme encore plus fâcheuse que celle des années 70 où sa libération était au moins à l’ordre du jour.
Le colocataire du policier, un vieil homme surnommé Sol, accepte de lui fournir un coup de main afin de découvrir le mobile du meurtre. En fin limier, Thorn soupçonne, en effet, la victime d’avoir eu l’intention de révéler un lourd secret en lien avec Soylent. Il apprendra vite des informations qui ne laissent plus de doute sur l’implication du gouverneur dans ce meurtre commandité. Déjà fatigué de vivre dans un pareil cloaque, mais surtout dépositaire, de par ses recherches, du terrible secret de Simonson, Sol choisira d’aller se faire euthanasier dans un centre spécialisé, où il bénéficiera en guise de compensation d’une séance paradisiaque de préparation à la mort. Arrivant trop tard pour l’en dissuader, Thorn accèdera au dernier vœu du vieil homme, chercher des preuves impliquant Soylent. L’évacuation de son corps et ceux d’autres euthanasiés conduira le policier à pénétrer en cachette dans une usine de traitement. Là il découvre effaré que les cadavres constituent la matière première avec laquelle sont fabriqués les horribles soleil vert. Le plancton étant probablement tari à son tour, c’est de la chair humaine qu’on tire désormais la nourriture des hommes. L’homme est ainsi devenu du bétail pour l’homme. Tel est le secret effroyable que tenaient tant à dissimuler les autorités et l’industriel.
Que l’anthropophagie devienne le moyen de subsistance des êtres humains à leur insu, que le cannibalisme soit après cela institué en code social, et il en sera fini de l’humanité, de la civilisation et de son éventuel avenir. Les hommes devront vivre ensuite avec le poids de s’être nourris des leurs ! Ils ne l’oublieront pas de si tôt, croyez-moi, et ne pourront jamais faire la paix avec leur conscience. Ils auront fini d’être des hommes. Plus besoin même de modifier leur ADN pour cela.