Le cadenassage de l’information est on ne peut plus hermétique. Rien ne filtre. L’omission est de rigueur. On occupe le téléspectateur avec l’écume des jours. Le choix ne manque pas. La réforme des retraites constitue une matière suffisante pour faire diversion et ne pas avoir à masquer les bombes en question avec des broutilles, ce qui finirait par se voir.
Les liens incestueux entre les médias et le pouvoir ne datent pas d’hier hélas. Le film d’Yves Boisset l’Attentat, inspiré de l’affaire Ben Barka, montrait dès 1972 au combien les milieux d’affaires, la magistrature, les services secrets, le milieu politique, le grand banditisme et donc le milieu médiatique pouvaient être en cheville dans le but de projeter l’assassinat d’un homme politique encombrant. Ainsi voit-on au cours du film s’élaborer le traquenard qui doit amener la victime à Paris, où elle sera exécutée. L’homme politique en question est censé être venu dans la capitale pour participer à une émission sur l’une des chaînes de l’ORTF. Pour le mettre en confiance, le rédacteur en chef accepte ses conditions. Mais on apprend vite que le journaliste n’est qu’un agent des services de renseignement français impliqué jusqu’au cou dans l’attentat. Ne soyons donc pas naïfs. Jamais la presse n’a été vraiment indépendante. C’était déjà le cas il y a cinquante ans. Saura-t-on un jour combien d’affaires les médias ont étouffées pour ne pas désobliger le pouvoir. Le problème s’est posé même de l’autre côté de l’Atlantique. Trois ans après l’Attentat, Sydney Pollack dressait le même constat à l’issue de son film Les Trois Jours du Condor. Turner, un obscur agent de la CIA, se retrouve victime d’une cabale interne. Bien malgré lui, il est mêlé à un complot dont l’enjeu consiste à mettre la main sur un champ pétrolier au moyen orient. Sa vie étant en jeu, Turner décide de tout balancer au New York Times. Son supérieur, un certain Higgins, le met alors en garde : Etes-vous sûr qu’ils diffuseront votre histoire ? Laissant entendre que le New York Times était lui aussi soumis aux pressions de l’Agence aux grandes oreilles. Le film s’achève sans qu’on ait la réponse. La morale que j’en tire est la suivante. N’est-il pas étrange qu’il faille se tourner vers la fiction cinématographique pour nous rappeler à la réalité politique ? Comme si l’on n’osait pas regarder cette réalité en face.
Venons-en à la première bombe. Elle éclate le 4 mars 2023, à l’initiative du Telegraph qui divulgue des milliers d’échanges Whatsapp remontant à Noël 2020. Ces messages impliquent Boris Johnson et son ministre de la Santé au plus fort de la crise covid, Matt Hancock. La journaliste Isabel Oakeshott, à l’origine des révélations, n’a pas pu se taire. Elle se devait d’exposer ces courriels compromettants, explique-t-elle sur Skynews. « Pouvez-vous imaginer un journaliste digne de ce nom, ignorant de tels documents ? » Cette mère de trois enfants ajoute : « Matt Hancock peut me menacer autant qu’il veut, les enfants de notre nation ne doivent plus jamais souffrir de cette façon ». On se demande bien au nom de quoi ce détestable personnage se permet de l’intimider ?