Il y a quelques années, raconte Louis Fouché, alors qu’il était membre de la commission médicale de l’hôpital où il exerçait et qu’il assistait à une réunion de cette commission, il interpela les administratifs présents. Au train où allaient les choses, leur balança-t-il, l’hôpital serait à vendre pour un euro symbolique d’ici une dizaine d’années. Personne ne daigna lui répondre. Silence gêné. Il avoue n’avoir compris ce silence que longtemps après. C’est que c’est tout simplement ce à quoi les donneurs d’ordre de ces administrateurs voulaient aboutir en fin de compte. Leur ambition était et demeure la destruction de l’hôpital public.
Alors, comment vont-ils s’y prendre pour atteindre leur but ? A vrai dire, aujourd’hui, on en a une petite idée. Tout d’abord, précise Louis Fouché, il y a une valse tous les deux ans des directeurs. Le directeur arrivant est parvenu en général à son dernier poste. Ce pantouflage est vécu comme une ultime promotion. Il engage un plan social et dégraisse le mammouth. C’est leur ritournelle. A les en croire, on coûterait trop cher. Entendez la santé des citoyens coûterait trop cher. Mais au nom de quoi se permettent-ils d’en juger ? Qui leur a octroyé cette prérogative ? Ils ont le culot de le faire au nom du peuple sans que jamais le peuple ait été consulté à ce sujet. Dans une réelle démocratie, c’est au peuple de se prononcer pour savoir s’il veut mettre son argent dans des hôpitaux ou bien dans des cabinets de conseil pléthoriques et aussi superflus que dispendieux. Quand on nous dit que la santé coûte trop cher, c’est l’élite qui parle et qui est bien mal placée pour en juger, âpre au gain qu’elle est et si peu soucieuse du bien-être de la population. Donc ce directeur ne renouvelle pas certains emplois. Depuis le covid, même les syndicats obtempèrent sans broncher.
Puis son remplaçant arrive et le manège recommence. Voilà comment peu à peu avance l’agenda, par des directions précaires, mais surpayées et qui se succèdent à un rythme effréné pour ne pas avoir le temps de susciter de bronca. Par exemple, souligne Fouché, « les soignants suspendus sont un plan social pour pas cher. » On fait d’une pierre deux coups : on se sépare d’employés rebelles et on réalise des économies. On monte les moutons mécontents contre eux et on se déleste un peu plus d’un personnel frondeur sans même le coût d’un licenciement. Au diable les indemnités chômage.
Mais qui donne les ordres aux directeurs, aux ARS, au ministre de la Santé ? Ces derniers ne sont eux-mêmes que des exécutants qui appliquent des directives venues d’encore plus haut. Les conseillers de chez McKinsey & consort, en véritable courroie de transmission, prennent leurs ordres des hautes sphères mondialistes avant de les transmettre aux serviteurs de l’Etat. Le terme est bien mal choisi puisque ces hauts fonctionnaires et ces politiques ne répondent en définitive qu’à des intérêts privés et non plus au bien public. Ceux de Davos ou de Washington. Louis Fouché nomme les coupables : Black Rock, premier gestionnaire d’actifs au monde. Une façon de désigner la haute finance mondialisée qui mène la danse.
Maintenant ont-ils prémédité de remplacer l’hôpital ? Et par quoi ? Effectivement, répond Fouché, ils passeront à la e-santé. Tous les process sont déjà prêts. Les décideurs ne s’en cachent plus. L’implosion du système actuel est donc programmée avec la disparition des CH et des CHU. « C’est le mandat de l’administration hospitalière de détruire l’hôpital public. C’est leur mission. » Ils se garderont bien néanmoins de l’avouer aussi crûment. Encore que Macron n’a pas fait mystère de sa volonté de déconstruire la France. Pourquoi ses ministres de la Santé ne concèderaient-ils pas, les uns après les autres, qu’ils ont pour mission de détruire l’hôpital ?
Alors, dans quelque temps, suite à un avc ou à un accident de la route il sera inutile de rechercher un hôpital ou même le samu. Ces structures n’existeront plus. Ou bien quelqu’un de charitable alertera la e-santé et nous prodiguera lui-même les secours, guidé par un e-robot plein de commisération, ou bien on crèvera sur place.
Bienvenue en dystopie ! ¾
Photo d'illustration : L'hôpital de Sète qui a fermé ses urgences pendant deux nuits.au mois d'août.