Non pas seulement dans la qualité des produits alimentaires. Nous savons quoi penser, depuis longtemps, du lobby agroalimentaire. Mais surtout après les incitations à délaisser la viande et à la remplacer par… des criquets ! L’autre grand remplacement.
A l’époque où ce battage s’est répandu dans les médias, j’ai pris ça pour une énième lubie. Une mode des verts en mal de combats loufoques. Ils n’en manquent guère, pourtant. La bien pensante Joy Sorman résuma brillamment l’intérêt de manger des criquets, quand elle écrivit que « le criquet a cet avantage sur la vache qu’il ne prend pas de place, qu’il ne pète pas, ne rejette pas dix-huit fois son poids en gaz carbonique, ne troue pas inconsidérément la couche d’ozone ». Merci pour le inconsidérément. J’apprécie la nuance dans une phrase qui sent bon la confusion des genres.
Alors c’est mon cœur ou plutôt mon estomac qui s’exprima. Ah non !, ai-je crié à celle qui partage ma vie. Jamais je ne boufferai de leur saloperie de criquets !, lui dis-je, indigné comme je sais l’être, avec un peu de grandiloquence. Dussè-je faire grève de la faim ! Mon épouse savait que ce n’était pas une forfanterie de ma part.
Un jour, en effet, en villégiature à Belfast, nous cherchions un restaurant français qu’on nous avait ardemment conseillé pour changer de l’atroce alimentation britannique et qui servait une entrecôte à tomber à la renverse. L’établissement était hélas fermé. Mais notre appétit, lui, était ouvert. Rien dans le quartier où avaler un plat comestible. Je ne dis pas déguster, remarquez la nuance. Rien qu’un fast-food immonde. Ma femme, affamée, décida de franchir la porte. La faim la talonnait beaucoup trop. Pour ma part, malgré mon état, je refusais de toucher à la moindre nourriture passée par ce genre de mains expertes en ces denrées. Je la regardais assouvir son besoin naturel, et je me mis à faire la conversation. Qui parle déjeune vaut bien Qui dort dîne. Et j’ai sauté le déjeuner. Un stew fort roboratif, mijoté dans le faitout d’une bonne cuisinière irlandaise, m’attendait le soir même pour me récompenser d’avoir tenu bon.
Vous voyez, je ne plaisantais pas. Il n’était pas question, une seconde, que j’enfouisse cette chose répugnante dans mon ventre. J’entends déjà les bonnes âmes, comme toujours, m’expliquer que tout est question de culture, d’us et coutumes, d’habitudes et que des criquets bien cuisinés valent des écrevisses. La littérature du web en fait même la promotion. Il suffit qu’il soit cuisiné comme il faut. En Asie on le frit. En Amérique du Sud on le sert caramélisé avec piments, ail et citron. En Afrique on en fait un écrasé. Ça c’est de l’ethnologie ! Pas de la cuisine qui puisse convenir à ma délicate nature. Grand bien vous fasse. Mais je ne fréquenterai pas votre table, ce jour-là.
Toute cette digression pour dire quoi ? Je me suis tout bonnement rendu compte que le mondialisme avait lancé alors cette campagne médiatique pour nous contraindre à manger des criquets plutôt que de la viande. Qu’il s’agissait encore et toujours de l’une de ses nombreuses manœuvres insidieuses. Aujourd’hui, après une réflexion nourrie, c’est mon esprit tout entier qui rejette l’infâme repas. Mon instinct l’avait déjà écarté de ma vue, ma réflexion l’a renvoyé en cuisine. Je frémis qu’on ait essayé de me le faire consommer en voulant me donner mauvaise conscience, qui plus est, au cas où je ne l’ingurgiterais pas. Décidément, pour cette engeance, nous ne sommes que des enfants capricieux et des bouches inutiles.