Aujourd’hui que l’on a entraperçu le véritable visage du transhumanisme, que l’on a entendu Laurent Alexandre expliquer, avec exaltation, à un auditoire trié sur le volet qu’il y avait d’un côté la race des seigneurs et de l’autre, celle des gueux, que l’on constate que le transhumanisme n’est rien d’autre qu’un eugénisme revisité par les biotechnologies, et que transhumanisme rime avec nazisme mieux encore qu’eugénisme, on peut se poser la question de savoir comment un Julian Huxley pouvait être dupe, comment pouvait-il se prétendre à la fois humaniste et transhumaniste. Même si l’homme augmenté n’était encore qu’une fiction à l’époque d’Huxley, comment la contradiction ne lui a-t-elle pas sauté aux yeux ? A moins encore une fois que les mots aient été volontairement galvaudés.
Si Huxley a vraiment été un humaniste, alors je ne désire plus en être un. Le maître-mot de tolérance a-t-il jamais été de leur vocabulaire dans cette fantasmagorie débridée de vouloir améliorer l’homme par tous les moyens, les plus inhumains soient-ils ?
Comme le dit le juriste Alexandre Havard, « on ne croit plus en la nature humaine, ça n’existe plus, la nature humaine ». C’est précisément là le but du transhumanisme de Huxley, comme celui de son humanisme trompeur.
Ces pseudo-humanistes, qui pullulent chez les mondialistes, ont un culot monstre. Devant les preuves de leurs méfaits, ils ne font pas d’aveu, n’ont pas de regret et font encore moins contrition. Juste se confondent-ils en dénégations et en mensonges à répétition. En usant donc de mots pour d’autres. C’est le propre de la perversion du langage. L’humanisme à force d’avoir été employé à tort et à travers s’est retourné contre l’homme.
Pourtant l’humanisme à la Montaigne partait dans la bonne direction, pétri de bonnes intentions qu’il était. L’analyse personnelle et la réflexion autonome y occupaient une place de choix. Il faisait même appel à un scepticisme de bon aloi contre tous les dogmatismes. Cet humanisme-là aurait conduit tout droit Montaigne aujourd’hui à être qualifié de complotiste.
Pour montrer combien le terme d’humaniste n’est en réalité qu’un fourre-tout, citons un autre humaniste, Carl Sagan. Consacré humaniste de l’année 1981 à titre posthume par l’Association Humaniste Américaine, le penseur astronome était bien plus proche de Montaigne que de Huxley. Ecoutons-le peu avant sa mort dans une sorte de testament audiovisuel adressé à l’humanité : « Tôt ou tard, ce mélange combustible d’ignorance et de pouvoir nous explosera à la figure […] La science est plus qu’un ensemble de connaissances. C’est une façon de penser, une façon d’interroger l’univers avec scepticisme, avec une fine compréhension de la faillibilité humaine. Si nous ne sommes pas en mesure de poser des questions de manière sceptique, […] d’être sceptique à l’égard de ceux détenant l’autorité, alors nous sommes à la merci du premier charlatan venu, homme politique ou religieux […] Il faut que le peuple exerce son scepticisme, sinon nous ne dirigeons pas le gouvernement, le gouvernement nous dirige. » Un vrai présage de la part d’un humaniste, comme je les aime.
Dans la période actuelle on ne sait plus à quel saint politique se vouer. L’idéologie de gauche est en pleine décomposition. Elle a montré ses outrances comme avant, en son temps, les mouvements ultraréactionnaires avaient montré les leurs. Aujourd’hui que faire et quelle voie choisir ? Je l’ignore. Cependant on ne pourra pas faire l’économie de réflexions mûries et de débats animés. Avant toutes choses cependant, le langage devra subir un ravalement de façade, tant il a souffert d’outrages. Les médias de boue et de fange y auront largement contribué. Il faudra nettoyer les écuries d’Augias, car la prédiction de Nietzsche s’est réalisée : « Encore un siècle de journalisme, avait-il prophétisé, et les mots pueront ! » Eh bien, c’est fait. Les mots empestent à l’heure actuelle comme jamais.¾
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